Réserve biologique intégrale de la Tellière-Paluel
Située au sud de Barcelonnette, la réserve biologique intégrale de la Tellière-Paluel se trouve en rive gauche de la vallée du Bachelard. Entre 1320 m dans le fond de la vallée et 2750 m au sommet du Petit Cheval de Bois, elle présente un relief de pentes fortes et de gorges, d'ubac franc et de versant d'exposition ouest accueillant des pessières, des sapinières, des mélézins et des milieux ouverts d'altitude. Le nom de la réserve est tiré des deux principaux torrents qui la délimitent.
La RBI de la Tellière-Paluel est concernée par la vaste ZNIEFF de type 2 "Massif du Mont Pelat - Col de la Cayolle - Versant en rive droite du haut Bachelard et Gorges du Bachelard - Vallon des Agneliers et de Paluel". Elle fait partie de la zone cœur du Parc national du Mercantour, qui a également le double statut de ZSC et de ZPS.
Histoire
Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, il existait une importante occupation humaine de la vallée du Bachelard, notamment sur les adrets. La pression pastorale et l'exploitation des forêts pour le bois de feu ont favorisé une forte érosion des sols. Comme pour d'autres massifs montagneux, de grandes inondations, jusque loin en aval, ont amené à partir de 1860 les législations sur la restauration des terrains en montagne (RTM) permettant l’acquisition des terrains par l’Etat en vue de leur reboisement et de leur mise en défens.
L'actuelle forêt domaniale du Bachelard provient pour partie de ces reboisements, le reste étant issu des peuplements relictuels de l'époque. Une partie seulement de la RBI, le bois de la Tellière, est constituée de forêt ancienne ayant échappé aux anciens déboisements, caractéristique rare à l'échelle du parc du Mercantour. Les peuplements ont été très peu exploités depuis le début du XXe siècle et ceux qui ne sont pas issus des reboisements peuvent en partie être qualifiés de subnaturels.
Géologie - Pédologie
La géologie de la réserve est complexe. Le site fait partie du massif du mont Pelat. Les substrats sont issus principalement de nappes de charriages, avec des calcaires, grès et flyschs et calcaires gréseux du Turonien (Crétacé supérieur) au Priabonien (Éocène supérieur). Les versants sont couverts d'importantes formations d'éboulis.
Les sols sont variés, de très superficiels à profonds sous la forêt.
Milieux naturels
La réserve héberge un grand nombre d'habitats naturels, depuis les forêts de l'étage montagnard jusqu'aux pelouses et milieux rocheux de l'étage alpin, très représentatifs de la région naturelle.
Les sapinières et pessières (CB : 42.131 et 42.22 – N2000 : 9410) sont les formations les plus typiques et les plus matures de la réserve et constituent l'essentiel des forêts les plus basses.
L’étage subalpin est occupé en grande partie par les mélézins et cembraies-mélézins (42.3 – 9420). Si la dominance du mélèze est une constante, des variantes très diverses se rencontrent sur le plan de la structure, de la flore, et de la dynamique.
Les pelouses occupent environ un tiers de la surface de la réserve. Les plus représentées, souvent au contact des milieux rocheux à l’étage subalpin, sont les formations écorchées à Seslérie et Avoine des montagnes (36.432 – 6170).
Enfin, les milieux rocheux occupent des surfaces importantes et marquent fortement la physionomie du site, surtout dans sa partie haute où les falaises calcaires (62.151 – 8210) sont omniprésentes. On trouve également des éboulis calcaires alpins (61.2 – 8120) et des éboulis thermophiles péri-alpins (61.31 – 8130).
Flore
La vallée du Bachelard abrite une diversité floristique remarquable, influencée par des apports venus des régions piémontaises, du nord et de la Méditerranée. Les cols d'Allos et de la Cayolle forment une limite biogéographique.
Parmi les nombreuses espèces remarquables présentes dans la RBI de la Tellière-Paluel, on trouve l’Ancolie des Alpes, l’Ancolie de Bertoloni, le Sainfoin de Boutigny, la Bérardie laineuse et la Primevère marginée, toutes protégées au niveau national. D’autres raretés, comme l’Aconit anthore, le Lis orangé et l’Ancolie noirâtre, ajoutent à la richesse du site.
Les bryophytes et les champignons de la réserve n'ont pas encore fait l'objet d'inventaires mais d'observations ponctuelles. La Buxbaumie verte (DH2) est présente sur bois pourrissants. Une espèce de champignon lignicole assez remarquable, le Polypore placenta, a été observée, ainsi que quelques espèces indicatrices de maturité forestière.
Une étude des lichens, menée en 2010 par l'Association française de lichénologie, note l’importance du site pour ce groupe et l’intérêt de la libre évolution pour une diversité maximale. Pour deux espèces (Bryoria implexa et Xylographa trunciseda), le bois de la Tellière semble être la seule station connue en France.
Faune
La réserve abrite de nombreuses fourmilières en dôme caractéristiques de la Fourmi rousse des bois, qui indiquent un degré relativement élevé de naturalité du site. L'Apollon (PN, DH4) est bien présent dans les milieux ouverts constitués par les clairières forestières et les pelouses d'altitude, où l’on retrouve aussi le Damier de la Succise (PN, DH2).
De nombreuses espèces de mollusques à haute valeur patrimoniale ont été recensées par le MNHN, dont au moins 4 sont strictement endémiques au Parc du Mercantour.
Les divers milieux de la réserve - forêt, landes et pelouses, falaises - hébergent plusieurs espèces nicheuses inscrites à l’annexe 1 de la directive Oiseaux. Le Pic noir, la Chouette de Tengmalm et la Chevêchette d'Europe occupent des arbres à cavités. Le Tétras lyre et le Lagopède alpin sont présents pus en altitude. L'Aigle royal niche dans la réserve qui est aussi un site de chasse.
Plus d’une douzaine d'espèces de chauves-souris ont été recensés dans la réserve par le Groupe chiroptères de Provence et l'ONF, dont le Petit Rhinolophe, le Murin à oreilles échancrées et la Barbastelle d'Europe. Ce résultat est particulièrement intéressant au regard de l'altitude élevée (donc moins propice à ces mammifères).
Le chamois est abondant dans la réserve, de même que le chevreuil dans les parties basses. Le sanglier, le bouquetin (réintroduit) sont également présents.
Depuis 2012, la vallée du Bachelard est incluse au sein de Zone de présence permanente du loup (ZPP) "Trois Évêchés - Bachelard". L’abondance de proies potentielles dans la RBI y est propice. Elle abrite une meute, avec mise bas et élevage de louveteaux.
Gestion
Depuis plusieurs décennies, le site de la Tellière-Paluel est engagé dans un processus de renaturation, tant pour les habitats forestiers que pour les milieux ouverts où le pastoralisme a disparu (partiellement remplacé par les ongulés sauvages). Les forêts évoluent librement depuis au moins cinquante ans, et probablement bien plus dans certaines zones. Ce long processus a déjà permis d’atteindre un haut niveau de naturalité des peuplements.
L’intérêt de créer une réserve biologique intégrale sur le site, déjà protégé en tant que forêt domaniale et cœur de parc national, a été de garantir encore mieux la libre évolution pour le futur et d'en faire un espace privilégié pour des études. Le partenariat entre l'ONF et le Parc national du Mercantour permet de poursuivre les études initiées dans le cadre de la création de la réserve (description des peuplements forestiers, inventaires naturalistes).
Située à l'écart des zones parcourues, la RBI de la Tellière-Palluel met à profit cette caractéristique pour préserver au maximum le site et sa quiétude. Elle est gardée vierge de tout équipement pour ne pas favoriser la fréquentation.