Réserve biologique intégrale des Gorges de Trévans
La réserve biologique intégrale (RBI) des Gorges de Trévans se situe dans la partie nord du massif du Montdenier, au sud du département des Alpes-de-Haute-Provence, dans les Préalpes de Digne. Proche des Gorges du Verdon, il s'agit d'une région de moyenne montagne. Le site bénéficie d'une très grande richesse en habitats, flore et faune, attribuable à sa position de carrefour biogéographique, à son étagement altitudinal et à sa complexité topographique et géomorphologique. Cette richesse est reflétée par les nombreux statuts d'inventaire ou de protection accordés au site.
La réserve est concernée en quasi-totalité par deux ZNIEFF de type 1 : "Gorges de Trévans et ravin de Mayaiche" et "Serre et crête du Montdenier", qui sont elles-mêmes intégrées dans la grande ZNIEFF de type 2 "Massif du Mourre de Chanier - Serre du Montdenier - Gorges de Trévans - Pré Chauvin - La Font d'Isnard", laquelle englobe toute la réserve.
La RBI est incluse dans la ZSC "Gorges de Trévans - Montdenier - Mourre de Chanier". La commune de Majastres, représentant 646 des 1 205 hectares de la réserve, fait partie du PNR du Verdon. Le site des Gorges de Trévans est répertorié comme ENS par le département des Alpes-de-Haute-Provence. La RBI est entièrement incluse dans une RCFS. Enfin, elle englobe un des sites de la RNN géologique des Alpes-de-Haute-Provence.
Histoire
Selon les archives forestières, au milieu du XIXe siècle, le site de la future réserve biologique ne comportait plus qu'un petit massif de hêtres, quelques bouquets de chênes, des arbres isolés et de vastes terres nues, du fait de la pression anthropique exercée depuis le Néolithique. Le territoire de la réserve recèle des sites historiques ou archéologiques d’importance variable qui informent sur les usages passés : chapelle et monastère Saint-André-le-Désert, vestiges d'ateliers de découpe du bois, hameau de Valbonnette…
Ce n'est qu'après 1860 que la nouvelle politique de restauration des terrains de montagne (RTM) a initié le reboisement de ces zones. Aujourd'hui, l'héritage en est bien visible avec la juxtaposition de peuplements semi-naturels présentant même une maturité élevée (hêtraie...), la reconquête des espaces ouverts par la végétation forestière indigène, ainsi que les reboisements avec des espèces introduites comme le Pin noir d'Autriche, le Mélèze d'Europe, le Cèdre ou le Pin à crochets.
Le projet de réserve biologique des Gorges de Trévans remonte aux années 1990, initié par l’ONF et soutenu par le SIVOM du Bas-Verdon. Il visait à créer une réserve sur un périmètre limité à la forêt domaniale du Montdenier. En 1993, une première zone de protection de 668 ha avait été établie. Avec les instructions (documents techniques de référence) de l'ONF dans les années 1990, le concept de réserve biologique dirigée a été précisé, puis celui de réserve biologique intégrale. Le projet des Gorges de Trévans a évolué vers une RB mixte, puis uniquement une RBI, finalement étendue également à la forêt domaniale du Suy.
Géologie - Pédologie
Le substratum de la réserve des Gorges de Trévans appartient aux chaînes subalpines méridionales et se compose de terrains sédimentaires de l’ère secondaire, allant du Trias au Crétacé inférieur. Ce sont principalement des calcaires massifs du Jurassique supérieur et des calcaire marneux et marno-calcaires du Crétacé.
Ces calcaires ont été façonnés par l'érosion en falaises, gorges, nappes d'éboulis, lapiaz, failles, fissures et grottes, constituant autant d'habitats intéressants pour la flore et la faune.
L'altitude de la réserve s'étend de 610 m à l'entrée des gorges de Trévans jusqu'à 1750 m au sommet du Montdenier.
Dans un contexte général de montagne calcaire sèche, les Gorges de Trévans sont parcourues par l'Estoublaisse, rivière permanente affluent du Sasse et elle-même grossie par le ru de Mayaiche.
Les sols développés sur les calcaires sont souvent superficiels et ont une faible réserve en eau. Les sols les plus évolués et les plus profonds se trouvent en ubac et sur les pentes les moins fortes, notamment sous la hêtraie.
Milieux naturels
La RBI des Gorges de Trévans s'étend sur plusieurs étages bioclimatiques : du supraméditerranéen jusqu'au montagnard supérieur, avec des affinités ponctuelles avec l'étage subalpin en raison de conditions stationnelles particulières.
L'étage supraméditerranéen est dominé par la chênaie pubescente (CB : 41.711). Des matorrals de Genévrier de Phénicie occupent les versants les plus chauds d'adret (CB : 32.1321 – N2000 : 5210). À cela s'ajoutent des sylvofaciès de pineraies sèches à Pin sylvestre (42.59), des fruticées à Genêt cendré, à Lavande à feuilles étroites et Buis (32.62), ainsi que des pelouses steppiques méditerranéo-montagnardes.
Le chêne pubescent est également présent à l'étage montagnard, avec une limite altitudinale plus haute en adret qu'en ubac. Cet étage est caractérisé par hêtraie calcicole sèche méridionale (41.16 - 9150), la hêtraie mésophile (41.17) prenant le relais en conditions plus fraîches. On trouve aussi des pineraies de Pin sylvestre et des tillaies sèches (41.45 - 9180*).
En fond de vallon, on trouve des ripisylves composées de peupleraies blanches (44.612 - 92A0) et d'aulnaies montagnardes à Aulne blanc (44.22 - 91E0*).
Le site comprend une source pétrifiante avec formation de travertins (54.121 – 7220) au Pont du Tuf, reconnue pour son aspect esthétique et en tant qu’habitat naturel remarquable.
Les milieux naturels de la RB sont parfois et difficiles à singulariser et cartographier, car ils sont souvent mélangés en mosaïques ou complexes d'habitats.
Flore
Par la situation biogéographique de la réserve, la flore est particulièrement riche et diversifiée. Le site abrite quelques espèces protégées, en particulier la Doradille du Verdon (PN, DH2), l'Ancolie de Bertoloni (PN, DH2 et 4), l'Orchis de Spitzel (PN), la Sabline de Provence (PN).
Mais la réserve se distingue surtout par sa richesse floristique globale. Le Conservatoire botanique national alpin (CBNA) de Gap-Charance a ainsi relevé 610 espèces vasculaires différentes, ce qui est remarquable sur une surface relativement réduite.
Faune
Comme la flore, la faune de la RBI des Gorges de Trévans est très riche et variée, en lien avec la grande diversité des habitats.
La richesse des milieux ouverts entraîne une présence forte des lépidoptères rhopalocères tels que l’Azuré du Serpolet, l’Alexanor, l’Apollon et le Semi-Apollon (PN, DH4).
Groupe souvent méconnu, les mollusques présentent une faune remarquable par plusieurs espèces (Pagoduline élancée, Fuseau de Côme).
L'Estoublaisse, torrent aux eaux de bonne qualité, héberge deux espèces de poissons remarquables, le Blageon et le Chabot (DH2).
La diversité de milieux humides et de milieux secs permet la présence d’une variété d’espèces d’amphibiens et reptiles, tous protégés au niveau national : Crapaud accoucheur, Crapaud commun, Grenouille rousse, Pélodyte ponctué, Couleuvre à collier, Couleuvre vipérine, Vipère Aspic ; et pour certains aussi au niveau européen (DH4) : Couleuvre verte et jaune, Lézard vert, Lézard des murailles.
L’avifaune présente plus d’une centaine d’espèces nichant de façon sûre ou probable, comprenant des espèces méridionales, médioeuropéennes, montagnardes et nordiques. Elle comprend aussi des espèces de milieux ouverts, des espèces forestières (certaines cavicoles), des espèces nichant en falaises. Ainsi, parmi d’autres espèces de l'annexe 1 de la directive Oiseaux : Chouette de Tengmalm, Perdrix bartavelle, Aigle royal, Gélinotte des bois, Grand-duc d’Europe, Circaète Jean-le-Blanc, Faucon Pèlerin, Bondrée apivore, Crave à bec rouge, Fauvette pitchou.
Les principales espèces de chiroptères forestières et cavernicoles sont également présentes, telles que la Barbastelle, le Murin de Bechstein et le Murin à oreilles échancrées (tous trois PN et DH 2 et 4).
D'autres mammifères sont présents dans le vaste territoire de la réserve et de ses environs, comme le Cerf élaphe, le Chamois, la Genette (PN). La réserve est considérée comme une zone de présence permanente pour le Loup (PN, DH 2 et 4).
Gestion
Le principal objectif de la RBI des Gorges de Trévans est l’expression de la dynamique naturelle des habitats forestiers et associés, la poursuite de la renaturation spontanée de la forêt et le développement de la biodiversité associée aux vieux peuplements et aux bois morts. Ces objectifs impliquent en particulier un développement de la connaissance du milieu et un accueil maîtrisé du public.
La RBI se compose principalement de zones boisées avec des essences indigènes, mais inclut aussi d'anciennes plantations d'essences exotiques ; certaines encore denses mais aucune intervention n'a été prévue pour la renaturation active de ces peuplements ayant déjà acquis progressivement une diversité intéressante. Les essences exotiques font partie intégrante de l'histoire et de la composition des peuplements de la RBI, contribuant à la représentativité de celle-ci par rapport aux forêts domaniales RTM des Alpes du Sud.
Les principaux axes d'études incluent le suivi des habitats, de la flore et de la faune, l'acquisition de connaissances susceptibles de profiter à la gestion des forêts hors RB, le suivi de la dynamique de renaturation et d'évolution des habitats forestiers, ainsi que le suivi des groupes d'organismes forestiers associés au développement de la naturalité. Dans ce cadre, le réseau Entomologie de l'ONF a lancé en 2023 une étude d’échantillonnage des coléoptères saproxyliques, prévue pour une durée de trois ans. Le réseau Avifaune de l'ONF a réalisé un inventaire global en 2024 confirmant l'intérêt du site.
Grâce à plusieurs sentiers pédestres balisés, la réserve permet un accueil raisonné du public et d'amples possibilités de découverte du site en adéquation avec l'objectif prépondérant de protection du patrimoine naturel. Le VTT est autorisé uniquement sur les routes forestières, le canyoning est interdit.