Réserve biologique dirigée de Pinata
La réserve biologique dirigée (RBD) de Pinata est située à l'extrême sud-ouest du département de l'Aude, à environ 20 kilomètres au sud de Quillan, au nord du massif du Madres (2469 m), un des hauts lieux de la biodiversité en France. Ce même massif, dans sa partie sud-est, abrite également les réserves naturelles de Nohèdes, Jujols et Conat (dans les Pyrénées-Orientales), tandis qu’à l’ouest, en Ariège, se trouve la RBD du Carcanet.
Située entre 1500 et 1900 mètres d'altitude, la RBD de Pinata se distingue par trois atouts principaux :
- la présence d’une population de Grand Tétras ;
- la richesse de ses zones humides, avec de nombreuses petites tourbières couvrant près de 20 % de la surface de la réserve au-dessus de 1600 mètres ;
- la présence d'une forêt présentant un niveau élevé de naturalité.
Le territoire de la réserve du Pinata fait partie de la ZNIEFF de type 1 "Forêt domaniale de Montnaie-Gravas", incluse dans la ZNIEFF et de type 2 "Massif du Madres". La RBD est incluse dans une réserve de chasse et de faune sauvage (RCFS). De plus, l'ensemble de la forêt fait partie du site Natura 2000 "Madres-Coronat", désigné comme ZPS et ZSC.
©Fabien Falgoux / ONF
Histoire
Avant acquisition par l’Etat en 1980, la forêt dont fait partie la RBD de Pinata était un domaine privé appartenant à la famille de la Rochefoucault.
Le site de la réserve biologique semble avoir été assez peu impacté par les exploitations forestières. Le document d’aménagement de la forêt domaniale de Montnaie-Gravas indique la présence de peuplements remarquables de très gros sapins âgés de plus de 250 ans. De plus, aucune trace de coupe significative n’est visible dans la réserve.
La bergerie du Madres, située au sud-ouest de la réserve, existe depuis plus de deux siècles. Ceci est attesté par la première carte d'état-major, qui date du début du XIXe siècle, et qui montre aussi que la limite entre la propriété forestière et les pâturage était déjà la même que de nos jours. Cette bergerie ou "jasse" témoigne d’une pratique pastorale ancienne sur les estives du Madres et aussi dans le périmètre de la réserve.
Une étude du WWF de 2013 cite la RBD de Pinata parmi les "hauts-lieux" de naturalité des forêts de la région méditerranéenne, même si cette forêt a été anciennement et durablement marquée par les activités pastorales.
C'est le document d'aménagement de la forêt domaniale de 1991 qui est à l'origine de la RBD, qui a été créée en premier lieu pour protéger la population du Grand Tétras.
Géologie - Pédologie
La réserve de Pinata repose sur des roches granitiques. L’essentiel du substrat géologique correspond à des plutons granitiques de Quérigut, composés de biotite et de porphyroïde.
Les sols sont acides, à dominante sableuse et moyennement à peu profonds. Certains sont relativement secs, d'autres constamment engorgés au niveau des tourbières.
Milieux naturels
La partie forestière de la RBD, typique de l'étage subalpin pyrénéen, est constituée principalement de pineraies de Pin à crochets de versant nord (ombrée) à Rhododendron (CB : 42.41 - N2000 : 9430) et de sapinières acidiphiles (42.13). L'ensemble forme un pré-bois entrecoupé de landes à Rhododendrons (31.42 - 4060) et de milieux humides. Très localement, au niveau de la crête, plus sèche, on trouve la pineraie sous sa variante sèche de versant sud (soulane) (42.42 - 9430). Les vieux boisements présentent une maturité et un niveau de naturalité élevés.
Les milieux ouverts, qui couvrent presque la moitié de la surface de la réserve, sont également représentés par des pelouses acidiphiles à Gispet (36.31 - 6230* en ombrée, 36.33 en situation plus sèche) et un complexe de milieux humides avec tourbières actives (51.1 - 7110*).
©Quentin Giry / ONF
©Quentin Giry / ONF
Flore
Les tourbières présentent quelques raretés botaniques, avec notamment la Droséra à feuilles rondes et la Droséra intermédiaire, toutes deux protégées au niveau national. On y trouve également le Comaret, rare sur le secteur et la Petite Utriculaire (PR).
Deux bryophytes d'intérêt communautaire (DH2, PN) témoignent aussi, à leur manière, de la diversité des milieux naturels et des enjeux de protection : la Buxbaumie verte, inféodée au bois mort humide, et Hamatocaulis vernicosus, qui se rencontre dans les écoulements tourbeux.
En comparaison des tourbières, les forêts, landes et pelouses abritent peu d’espèces rares mais constituent un complexe d’habitats typique des Pyrénées, avec une flore riche en espèces. Citons encore quelques espèces peu communes observables sur la crête : le Lys des Pyrénées, la Parisette à quatre feuilles, le Polypode du Chêne, le Streptope à feuilles embrassantes, la Valériane des Pyrénées.
©Paul Tourneur / ONF
©Léo Tetrel / ONF
©Steve Brieu / ONF
©Lilian Micas / ONF
©Jean-Claude Louis / ONF
Faune
La RBD de Pinata abrite une population de Grand Tétras (DO1) dont la présence a été un des principaux motifs de la création de la réserve. Le Merle à plastron et la Chouette de Tengmalm (DO1) sont également nicheurs.
Les populations d’amphibiens et reptiles présentes dans la réserve, à l'exception de la Grenouille rousse (PN, DH4) et dans une moindre mesure du Lézard vivipare (PN), sont de faible densité du fait du climat froid résultant d'une altitude assez élevée et d'une situation en versant nord. Le Lézard agile de Garzon (PN, DH4) est considéré comme espèce remarquable.
Plus commun et typiquement montagnard, l'Isard fréquente également le site.
©Christian Pocachard / ONF
©Paul Tourneur / ONF
©Jacques L'Huillier / ONF
©Cedric Baudran / ONF
©Henri-Pierre Savier / ONF
©Pierre Cadiran / ONF
Gestion
Depuis la création de la réserve biologique, aucune intervention sylvicole n'a eu lieu, la structure du milieu étant favorable au Tétras. Il n'y a pas non plus eu d'actions spécifiques de gestion des milieux ouverts, en bon état de conservation. Un comptage de Tétras est réalisé tous les ans sur place de chant par l'ONF et la Fédération départementale des chasseurs.
Plusieurs études naturalistes ont été menées dans la réserve, qui ont concerné différents groupes taxonomiques : oiseaux, bryophytes, insectes, amphibiens et reptiles. Elles ont été portées par l’ONF et par d’autres organismes partenaires tels que la LPO et la Fédération Aude Claire.
Les alpages étant restés pâturés suite à l'acquisition de la forêt et à la création de la RBD, quatre exclos ont été installés dans les années 1990 pour le suivi de la végétation en vue d'apprécier l'impact du pâturage sur l'habitat du Grand Tétras. Durant une partie de la saison d'estive, des zones d’élevage des jeunes de Grand Tétras sont mises en défend à l’aide de clôtures amovibles. Le diagnostic et la gestion des activités pastorales demeure une priorité sur la réserve dans les années futures.
Une étude du fonctionnement hydrologique des zones humides du massif du Madres, confiée à l'ONF par l'Agence de l'Eau Rhône Méditerranée Corse et achevée en 2022, a permis de mieux comprendre le fonctionnement des tourbières de pente et a montré la vulnérabilité de ces zones humides face au changement climatique.
En 2018, constatant d’importants impacts dans la réserve liés principalement aux cervidés, l’ONF décide d’en reprendre la gestion cynégétique, assurant ainsi un meilleur équilibre écologique.
©Fabien Falgoux / ONF