Tournée presse en forêt domaniale de Cadarache, commune de Saint-Paul-Lez-Durance
Dans de nombreuses régions en France, les forêts souffrent, victimes du réchauffement climatique ou d’attaques de ravageurs (insectes, champignons). Les forêts du sud de la France ne sont pas épargnées. En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, plusieurs signes de dépérissement sont observés, en montagne sur le pin sylvestre, le pin noir et le sapin pectiné, mais également au niveau de la forêt méditerranéenne de plaine, au sein de laquelle on observe que le feuillage est beaucoup plus clair, en certains endroits.
Hervé Houin, directeur territorial de l’ONF Midi-Méditerranée, a introduit la journée en rappelant la nécessité d’accompagner de manière plus ou moins forte, les forêts face au changement climatique. En effet, près de 700 000 hectares de forêt sont touchés par des dépérissements dans l’Hexagone, dont 300 000 ha de forêts publiques sur les 4,3 millions gérés par l’ONF.
A l'échelle nationale, on estime que 50% des forêts vont s'adapter naturellement. Des essences vont pouvoir perdurer malgré le changement climatique à l’horizon 2050 – 2080. En revanche, pour les autres, il va falloir accompagner le changement.
L’objectif de cette tournée presse était de montrer concrètement des dispositifs et des moyens pour accompagner cette transition.
La pépinière de Cadarache : un outil au service des chercheurs et des forestiers
La pépinière expérimentale de Cadarache est l’un des trois pôles de ressources génétiques forestières en France que l’Etat a confié en gestion à l’ONF dans le cadre d’une mission d’intérêt général sur les ressources génétiques forestières.
Jérôme Reilhan, responsable de la pépinière expérimentale, a présenté les différentes missions de la pépinière :
- inventaire et conservation des ressources génétiques forestières ;
- amélioration de la productivité des forêts, grâce à des programmes d’amélioration génétique ;
- adaptation des forêts au changement climatique, par l’évaluation des potentiels adaptatifs des espèces, provenances et cultivars (variété d'une espèce végétale obtenue artificiellement pour être cultivée).
Pour évaluer le potentiel adaptatif des espèces au manque d’eau, des dispositifs expérimentaux complexes de stress hydrique ont été mis en place qui utilisent des robots d’irrigation avec des rampes mobiles.
Le principe du test est de placer des plants âgés d’un an en situation de stress hydrique, c’est-à-dire en situation de manque d’eau et d’observer comment ils réagissent. Actuellement des tests sont réalisés sur des plants de cèdre de l’Atlas et de chêne pubescent. Les plants sont issus de plusieurs provenances et ont donc des patrimoines génétiques différents. Ils sont soumis à trois niveaux de stress hydrique : un témoin, un stress moyen et un stress sévère. Pour chacun de ces niveaux, on apporte une quantité d’eau précise afin de maintenir le niveau de stress défini.
Ces tests de stress hydrique permettent d’analyser la réaction des différentes provenances pour identifier celles qui résistent le mieux au manque d’eau. On pourra alors sélectionner les descendances des plants les plus résistants pour reconstituer les forêts de demain.
Le verger conservatoire de pin de Salzmann
A proximité de la pépinière, une collection de pin de Salzmann (Pinus nigra Salzmannii) a été installée. Ces pins sont des copies d’arbres très anciens qui ont été identifiés et sélectionnés dans les quelques peuplements naturels de pins de Salzmann qui subsistent en France : à Saint-Guilhem-le-Désert et la Tour sur Orb (Hérault), Conflent (Pyrénées-Orientales), Gorges du Tarn (Lozère), Col de l’Uglas (Gard), Banne - Bois d’Abeau – Malbosc– Saint-Paul-le-Jeune (Ardèche). Ces peuplements naturels ne représentent pas plus de 5 000 ha et sont qualifiés par l’Europe d’habitats Natura2000 prioritaires, d’où les actions de conservation ex-situ mises en place.
Ils sont tous issus de greffage effectué en pépinière expérimentale puis implantés dans le verger conservatoire de Saint-Paul-Lez-Durance.
697 génotypes ont ainsi pu être installés dans le verger conservatoire. Ce sont des copies de 697 arbres de plus de 150 ans identifiés dans les différents peuplements naturels sur lesquels ont été prélevés les rameaux pour pouvoir effectuer le greffage.
L’objectif premier de ce verger est d’avoir une copie génétique d’arbres de pin de Salzmann issus des peuplements naturels existants en France et génétiquement purs, c’est-à-dire préservés de toute pollution génétique par les pins noirs d’Autriche introduits en France à partir de 1870. Ce verger réalisé loin des peuplements naturels est une copie de sauvegarde des ressources génétiques de pins de Salzmann.
Le pin de Salzmann est réputé être résistant à la sécheresse, le plus résistant de tous les pins noirs.
Ces arbres greffés pourront le cas échéant, en les multipliant, permettre de reconstituer les peuplements naturels existants si par malheur ces derniers étaient anéantis par le feu. Et ils peuvent l’être ! ils sont situés dans des zones à risque élevé de feu de forêt et leur faible étendue les rend d’autant plus vulnérables à un évènement catastrophe.
Le pin de Salzmann, une essence d’avenir face au changement climatique
A l’objectif premier de conservation génétique est venu s’ajouter un objectif complémentaire de production de graines pour les besoins du reboisement en France. En effet, le verger conservatoire de Saint-Paul-Lez-Durance qui commence à fructifier a été reconnu officiellement par le ministère de l’Agriculture comme pouvant être récolté afin de participer lui aussi à l’alimentation en graines des pépiniéristes français qui produisent les plants forestiers de pins de Salzmann. Du fait de sa frugalité, de sa plasticité vis-à-vis des substrats géologiques, de sa tolérance à des pluviométries annuelles variées, de sa capacité à résister à la sècheresse, et de la possibilité de l’introduire de 150 à 1000 m d’altitude environ, cette essence intéresse de plus en plus les forestiers.
Actuellement, on récolte des graines principalement dans le plus important peuplement naturel existant à Saint-Guilhem-le-Désert. Mais pour accroître les récoltes et pouvoir ainsi répondre à la demande croissante des forestiers, des graines pourront bientôt être récoltées dans le verger conservatoire de Saint-Paul-Lez-Durance.
Favoriser la régénération naturelle
La tournée s’est achevée en forêt domaniale de Cadarache, sur une parcelle en régénération naturelle.
La forêt domaniale de Cadarache, située sur la commune de Saint-Paul-Lez-Durance, couvre 802 hectares. Située à la confluence de la Durance et du Verdon, elle bénéficie d’un climat atypique, avec l’influence du climat méditerranéen et montagnard qui favorise une mosaïque de milieux très diversifiés : des secteurs boisés depuis très longtemps, des milieux plus ouverts à l’origine d’anciennes terres agricoles, et une ripisylve, au bord du Verdon qui présente une biodiversité remarquable avec de nombreuses zones humides. Les deux principales essences forestières sont le chêne pubescent (43,7%) et le chêne vert (42,8%).
Les impacts du changement climatique sont bien visibles en forêt. Les chênes pubescents sont touchés par le dessèchement de leur houppier, conséquence des dernières années de sècheresse. Cela entraîne un phénomène dit de « descente de cime ». Le chêne vert à contrario résiste mieux. Il est plus adapté à la sècheresse.
A terme, le chêne pubescent devrait disparaître de la majorité des secteurs de la forêt domaniale au profit du chêne vert plus résistant et être cantonné dans les fonds de vallon les plus frais.
Pour maintenir cet écosystème riche, le choix a été fait de favoriser la diversité d’essences, c'est le concept de forêt mosaïque. Dans le cadre du changement climatique, les évolutions de températures et de pluviométrie sont si rapides que l’accompagnement du forestier est nécessaire pour identifier les arbres d’avenir.
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