Réserve biologique mixte de Campagne
La réserve biologique de Campagne fait partie de la forêt départementale de Campagne, qui est une propriété et un espace naturel sensible (ENS) du Département de la Dordogne.
Il s'agit d'une réserve de type mixte, avec une partie de réserve biologique intégrale (RBI) consacrée à la libre évolution forestière (137 ha) et une partie de réserve biologique dirigée (RBD) pour la gestion conservatoire active de milieux ouverts (35 ha).
La réserve biologique de Campagne est située sur un plateau du Périgord qui domine la rive gauche de la vallée de la Vézère. Elle est englobée dans la réserve de biosphère qui couvre tout le bassin de la Dordogne.
Histoire
Le domaine de Campagne appartenait autrefois au marquis de La Borie qui fit don de son château à l'Etat et légua le massif forestier au Département de la Dordogne. Depuis 1975, la forêt relève du régime forestier et est gérée par l'ONF. Le château de Campagne, monument historique inscrit, appartient maintenant aussi à la collectivité départementale. L'ensemble constitue le domaine départemental de Campagne qui associe patrimoine historique, activités de loisirs, et patrimoine naturel avec l'ENS, la forêt départementale et la réserve biologique. C'est avec la révision d'aménagement forestier de 2016 qu'a émergé le projet de création d'une réserve biologique, concrétisé en 2019.
On sait peu de choses de l'historique de gestion de la forêt de Campagne avant son acquisition par le Département. Le Périgord noir est une terre de très ancienne occupation humaine, qui avait été fortement déboisée au profit des activités agricoles et pastorales. Au début du XIXe siècle, seulement un quart environ de la forêt actuelle était à l'état boisé (et peut donc maintenant être considéré comme de la forêt ancienne), le reste de la surface étant à l'état de cultures ou pâtures. La forêt de Campagne a manifestement été une forêt "paysanne", constituée de taillis et taillis sous futaie, avec par la suite une colonisation naturelle par le Pin sylvestre suite à l’enfrichement d'anciennes zones ouvertes, et plantations de Pins noirs sur des champs abandonnés.
L'ENS étant voué à l'accueil du public, la réserve est parcourue par plusieurs sentiers de randonnée balisés.
Géologie - Pédologie
Etagée entre 70 et 213 m d'altitude, la réserve biologique de Campagne occupe un plateau entaillé par deux vallées, à l'origine d'une diversité de substrats, d'expositions et de conditions stationnelles.
Ce plateau est constitué essentiellement de roches sédimentaires carbonatées du Crétacé supérieur :
- bas des versants : calcaires et marnes du Turonien supérieur ;
- plateau : calcaires durs du Coniacien supérieur, formant de petits escarpements ;
- entre les deux, vers le haut des versants : calcaires marneux tendres du Coniacien inférieur.
Des plus superficiels aux plus profonds, les sols vont de rendzines voire de sols lithiques jusqu'à des sols bruns mésotrophes et des sols colluviaux de bas de versants. Plus ponctuellement, sur substrats siliceux (sidérolithique ou sable), on trouve des sols bruns acides faiblement lessivés portant une flore acidiphile.
Milieux naturels
La majorité des habitats naturels présents sur les versants et plateaux dominant la vallée de la Vézère sont observables dans la réserve biologique de Campagne. La diversité des situations topographiques et des substrats permet d'y trouver des espèces à affinités méditerranéennes (Chêne vert, Erable de Montpellier...) et des espèces à affinités atlantiques voire montagnardes (Hêtre, Orme de montagne...), avec en corollaire une grande diversité d'habitats naturels.
L'influence de l'exposition est déterminante : aux deux extrêmes, les versants exposés au sud (surtout en rebord de plateau sur sol superficiel) sont à tendance xérophile (chênaie pubescente, voire chênaie verte) tandis que les versants exposés au nord (surtout en bas de pente confiné et sur sol profond) sont à tendance mésophile voire hygrocline (hêtraie).
L’inventaire réalisé par l'ONF avec la Société botanique du Périgord (SBP) a permis d’identifier 9 principaux types d'habitats naturels :
- Habitats forestiers (98% de la surface de la réserve) :
- chênaies-charmaies neutrocalcicoles mésophiles (CB : 41.2) ;
- chênaie pubescente (41.7) ;
- hêtraie calcicole mésoxérophile (41.16 - 9150) ou mésophile (41.14) ;
- chênaie verte ( - 9340) ;
- frênaie-érablaie à Scolopendre sur éboulis (CB : 41.4 - N2000 : 9180*).
- Milieux associés :
- pelouses calcicoles (méso-) xérophiles (34.3 - 6210) ;
- pelouse à Orpins sur dalle calcaire (34.11 - 6110*) ;
- végétation des parois calcaires (62.1 - 8210) ;
- grottes (65 - 8310).
Flore
La forêt de Campagne comporte une grande diversité d’espèces végétales, du fait de la variété des influences climatiques et des conditions topographiques et stationnelles.
Lors d’un inventaire réalisé 2012 par l'ONF et la la SBP, 186 taxons ont été relevés. Dans ce site majoritairement forestier, ce sont les zones ouvertes relictuelles qui ont, comme souvent, la diversité floristique la plus forte.
7 espèces sont protégées : une au niveau national, le Prunier du Portugal (mais il est considéré localement comme subspontané) ; 7 au niveau régional : Bugle Petit Pin, Céphalanthère de Damas, Cytise couché, Laitue vivace, Néottie nid d'oiseau, Leuzée Pomme-de-pin, Scille à deux feuilles.
Faune
L'entomofaune est peu connue mais la présence du Lucane cerf-volant (DH2) et surtout du Pique-prune (DH2 et 4, PN) attestent les potentialités des peuplements forestiers pour les insectes saproxyliques. Les pelouses sont davantage le domaine des papillons et des orthoptères.
L'avifaune, variée (plus de 50 espèces), est riche en particulier d'espèces forestières. 7 espèces inscrites à l'annexe 1 de la directive Oiseaux ont pu être considérées comme nicheuses : Alouette lulu, Bondrée apivore, Circaète Jean-le-Blanc, Faucon pèlerin, Pic mar, Pic noir. Les pics sont nicheurs en forêt et dépendants de vieux ou gros arbres ; la Bondrée et le Circaète ont niché en forêt, le Faucon pèlerin sur la falaise du Fayard (et le Grand-duc en bordure du site).
Les chiroptères représentent un intérêt majeur, avec pas moins de 22 espèces dans la forêt ou à proximité immédiate, dont 9 inscrites à l'annexe 2 de la directive Habitats : Barbastelle d'Europe, Grand Murin, Grand rhinolophe, Minioptère de Schreibers, Murin à oreilles échancrées, Murin de Bechstein, Petit Murin, Petit rhinolophe, Rhinolophe euryale. Cette richesse est liée à l'abondance de gîtes en forêt (arbres, grottes) ou à proximité (bâti), et à une diversité de milieux propice à l'alimentation, tant en forêt que dans son environnement proche.
Gestion
Dans la partie de la réserve classée en RBI, les peuplements forestiers sont placés en libre évolution, pour la libre expression des processus naturels et la maturation des habitats forestiers, le développement de la biodiversité associée aux vieux peuplements, aux arbres à cavités et au bois mort. Y font exception les coupes de sécurisation de sentiers de randonnée ou des propriétés contigües.
Dans la partie classée en RBD, l'objectif est la conservation active des habitats menacés par la dynamique naturelle, à savoir les pelouses.
Sur l'ensemble de la réserve, en l'absence des prédateurs naturels, les ongulés restent régulés par la chasse, mais la chasse au petit gibier est proscrite.
Pour répondre à un autre enjeu de protection de la faune, l'escalade est encadrée saisonnièrement sur les falaises fréquentées par le Faucon pèlerin, en concertation avec la LPO et la FFME.
Comme dans toute réserve biologique, les suivis et autres études représentent une part importante de la gestion de la réserve.
Enfin, des journées d'animation permettent de partager les richesses de la réserve, en complément de la découverte autonome grâce aux itinéraires balisés.