Changement climatique : l'ONF engagé dans la prévention des risques glaciaires et périglaciaires
Le 12 juillet 1892, la vidange soudaine d’une poche d’eau présente dans le glacier de Tête Rousse (massif du Mont-Blanc) a libéré un flot d’eau et de glace chargé de matériaux érodés. La lave torrentielle d'un million de m³ a débordé et recouvert 77 hectares à l'arrivée dans la plaine. Cette catastrophe demeure un des phénomènes naturels connus les plus meurtriers dans les Alpes françaises, avec plus de 175 victimes.
La cavité libérée par la poche d’eau est alors placée sous la surveillance du service de restauration des terrains de montagne (RTM), de l’administration des Eaux et Forêts, chargée du suivi des glaciers. Le service RTM, désormais service spécialisé de l’ONF dans les risques en montagne, a notamment assuré le suivi et la surveillance, tout au long du XXe siècle, des deux galeries creusées entre 1898 et 1904.
En haute montagne, le changement climatique actuel est à l’origine d’une importante fonte de la glace, sous toutes ses formes, venant amplifier les risques. Depuis les années 2000, la communauté scientifique s’est ainsi fédérée autour de projets de recherche appliqués afin d’améliorer la connaissance des risques glaciaires. C’est dans ce contexte que la ministre de la Transition écologique et solidaire annonçait fin 2019 un vaste plan d’actions de l’État français pour la prévention des risques d’origine glaciaire et périglaciaire (PAPROG).
Ses objectifs ? Coordonner les actions d’amélioration de la connaissance et de prévention des risques d’origine glaciaire et périglaciaire en France en mobilisant les compétences des services RTM et des partenaires scientifiques et techniques (INRAe, Météofrance, les laboratoires du CNRS et des Universités de Grenoble Alpes et de Savoie-Mont-Blanc).
Risques d’origine glaciaire et périglaciaire : de quoi parle-t-on ?
Un risque est défini comme le croisement d'un aléa avec des enjeux (vies humaines, bâtiments, infrastructures, activités).
Les risques d’origine glaciaire et périglaciaire regroupent les risques naturels en montagne ayant pour source des zones couvertes de glace ou leurs abords directement influencés par la présence des glaciers, ou concernés par le dégel des sols gelés en permanence en profondeur (permafrost). Ils recouvrent donc des phénomènes divers comme des avalanches de glace, des laves torrentielles associées à la vidange de lacs glaciaires ou la déstabilisation de glaciers rocheux, ou des écroulements rocheux depuis des parois à permafrost.
Zoom sur les parois à permafrost
Le permafrost (ou pergélisol en français) est la partie du sol dont la température se maintient en dessous de 0°C pendant plus de deux ans consécutifs. Les parois à permafrost se caractérisent par une très faible teneur en glace, uniquement présente dans les fissures de la roche. La glace agit comme un ciment qui stabilise des roches ; c’est pourquoi l’évolution des températures influence fortement la stabilité de ces parois et augmente la menace de chutes de pierres ou d'écroulements en masse.
« Estimer la sensibilité des territoires aux écroulements rocheux depuis des parois à permafrost est un exercice difficile. Contrairement aux glaciers blancs dont l’inventaire est effectué à partir d’images satellites, il n’est pas possible d’observer la présence de glace sous le rocher à l’échelle des Alpes françaises ! Nous avons donc recours à de la modélisation réalisée par le laboratoire EDYTEM de l'Université de Savoie Mont Blanc et du CNRS », explique Antoine Blanc, ingénieur spécialisé dans les risques émergents à l'agence RTM Alpes du Nord.
Retour en images sur cinq événements d'origine glaciaire et périglaciaire
Au commencement de la mission du service ONF-RTM, évaluer la sensibilité des territoires aux risques
La première étape menée par l’ONF-RTM dans le cadre du programme PAPROG (établi pour le compte de la direction générale de la prévention des risques-DGPR) est l’évaluation de la sensibilité des territoires français aux risques d’origine glaciaire et périglaciaire. L'objectif de ce travail est de prioriser l’action publique sur les territoires concernés par ces risques.
Pour ce faire, un inventaire de toutes les formes glaciaires et périglaciaires (glaciers blancs, glaciers rocheux, lacs glaciaires, parois à permafrost) a été effectué en lien avec les partenaires scientifiques à l’échelle des Alpes françaises. Un inventaire similaire est en cours de réalisation dans les Pyrénées françaises.
L'analyse de cet inventaire a permis de classer les territoires alpins selon leur sensibilité aux risques d’origine glaciaire et périglaciaire.
« Nous avons défini des zones sources potentielles de phénomènes d’origine (péri)glaciaire grâce aux différents inventaires, puis estimé l’emprise potentielle de ces phénomènes. En croisant ces emprises potentielles avec les enjeux présents en vallée, nous avons ainsi pu hiérarchiser les bassins versants alpins », détaille Antoine Blanc.
Plus de 600 bassins versants ont été classés dans les Alpes françaises. Selon l'analyse, plus de la moitié des bassins versants ne sont pas concernés par ces risques, en raison de l’absence de formes glaciaire ou périglaciaire ou de l'éloignement entre ces formes et les activités humaines en aval.
Les territoires les plus concernés par ces risques se trouvent dans les trois principaux massifs glaciaires des Alpes françaises : le massif du Mont-Blanc, le massif de la Vanoise et le massif des Ecrins.
Et ensuite ?
La hiérarchisation de la sensibilité des territoires des Alpes françaises permettra une concentration des efforts de l'action publique sur les sites potentiellement sujets à ces risques émergents. Des études approfondies pourront alors être effectuées, et des suivis de glaciers/lacs/parois rocheuses sur le terrain pourront être mis en place s’ils se révèlent pertinents pour prévenir un risque.
Enfin, le réchauffement climatique devrait se poursuivre dans les décennies à venir si les efforts des sociétés humaines pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas suffisants. Dans ce contexte, pour Antoine Blanc, l’environnement de haute montagne est et sera évolutif : « Nous vivons actuellement dans un climat non stationnaire. Ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera plus forcément demain ! L’actualisation régulière de l’inventaire des glaciers et des lacs glaciaires est par exemple nécessaire ».