Les forêts françaises face à la sécheresse

Les forêts françaises ont soif ! Depuis 2018, la sécheresse, printanière et estivale, est récurrente. Après une brève accalmie en 2021, l’été 2022, avec son absence de précipitations et ses fortes chaleurs, a de nouveau basculé dans une période de sécheresse. Comme si cela devenait la norme. Ce manque d’eau ou déficit hydrique n’est pas sans avoir un impact sur la végétation. Quels sont les rôles du climat et du sol dans l’alimentation en eau de l’arbre ? Dans quelle mesure les arbres souffrent-ils du manque d’eau ? Comment peuvent-ils se défendre face à la sécheresse ? On vous dit tout !

Comment les arbres font-ils pour boire ?

Avant d’évoquer l’impact de la sécheresse sur le fonctionnement des arbres, il est essentiel de bien comprendre comment se fait l’alimentation en eau des plantes. Et à quoi sert elle sert.

L’arbre n’est pas comme des fleurs dans un vase, il prélève l’eau contenue dans le sol et pas dans la nappe phréatique. Le sol fonctionne comme une grosse éponge : il stocke l’eau en période de forte alimentation (l’hiver et une partie de l’automne et du printemps) et la restitue à la forêt tout au long de l’année. Selon les types de sol, la capacité de stockage de l’eau est être très différente ; ce qui aura des incidences sur le niveau de stress hydrique.

L’eau du sol puisée par les racines a plusieurs rôles :

  • alimenter l’arbre en eau et nutriments;
  • permettre la transpiration;
  • provoquer des échanges gazeux entre l’atmosphère et l’arbre.

Tous ces mécanismes sont nécessaires à son bon fonctionnement.

Le flux de sève dans l’arbre est un peu comme le sang chez l’homme, à la différence près que la sève ne circule pas en circuit fermé : l’eau absorbée par les racines s’évapore au niveau des feuilles. En conséquence, les arbres ont besoin de beaucoup d’eau pour permettre ces échanges et en particulier la photosynthèse, fondamentale à la vie sur terre car elle capte du CO2 et libère de l’oxygène. Il faut savoir qu’un arbre peut prélever jusqu’à environ 200 litres d’eau par jour !

L’humidité dans l’atmosphère a également un impact, bien qu’elle ne soit pas directement captée par la végétation. En effet lorsqu’elle baisse, la transpiration de l’arbre est alors plus élevée ce qui entraine une demande en eau du sol plus forte. L’augmentation des températures provoque donc une augmentation des prélèvements en eau du sol en augmentant la transpiration de l’arbre. Et ce même à pluviométrie constante !

Le stress hydrique, c’est quoi exactement ?

Hêtre dépérissant - ©Lilian DUBAND/ONF

Un léger manque de pluie n'affecte pas les arbres. L’éponge que constitue le sol va leur permettre de bénéficier de l’eau emmagasinée lorsque la pluie a été plus abondante.

Tant que la terre n'est pas trop asséchée, les arbres peuvent donc se développer sereinement. En revanche, la situation se complique lorsque le manque de précipitations se prolonge et que le réservoir en eau du sol n’est plus rempli qu'à 40 % et moins. A ce stade, les arbres souffrent du manque d'eau, on peut alors parler de stress hydrique. C’est ce qu’on constate quand les sécheresses se succèdent ou sont plus intenses ; les feuilles des arbres flétrissent, roussissent puis tombent.

A savoir

Les réserves en eau du sol ne dépendent pas uniquement des précipitations. Chaleur ambiante et consommation en eau des arbres en sont également d’autres facteurs.

Un peuplement au feuillage dense interceptera plus de pluie qu'un peuplement à la surface foliaire clairsemée. La quantité d’eau qui alimentera le sol sera donc plus élevée dans ce dernier cas.

Le bilan hydrique permet de comparer la quantité d’eau qui arrive (par exemple par les pluies) et ce qu’elle devient ensuite (par transpiration de la végétation notamment).

Le manque d’eau, un risque réel pour les arbres

Si les sécheresses se répètent ou se prolongent, l'arbre se retrouve "sous-alimenté en carbone" car il ne peut plus faire de photosynthèse et doit puiser dans ses réserves. Affaibli, il est moins apte à se défendre contre les insectes et les maladies.

Par ailleurs, quand le besoin en eau de l’arbre est trop élevé par rapport à l’eau disponible dans le sol et que les stomates ne sont pas totalement fermés, des bulles d'air se forment dans les vaisseaux de l'arbre et empêchent la conduction de l'eau, créant une embolie qu’on appelle cavitation. La sensibilité à la cavitation est très variable d’une espèce forestière à l’autre : certaines espèces comme les saules y sont très sensibles, d’autres comme les cyprès, adaptés à des climats chauds, sont plus résistantes.

La conjonction du manque de réserves, de la sensibilité face aux attaques diverses et du niveau de cavitation peut entrainer le dépérissement de l’arbre et à terme sa mort.

Face au stress hydrique, les arbres ripostent

En réponse au manque d'eau, les arbres déploient différentes stratégies de défense :

  • En refermant les stomates de leurs feuilles, sortes de "pores" qui permettent les échanges gazeux, les arbres diminuent leur transpiration. Mais cela se fait au prix d'un ralentissement de la photosynthèse et donc, de leur croissance.
  • En faisant sécher et tomber prématurément leurs feuilles. Cela réduit de fait les pertes en eau en limitant le phénomène d'évapotranspiration. Mais ce n’est valable que pour certaines espèces.
  • En s’enracinant profondément, certaines essences disposent d’éléments conducteurs de la sève plus résistants à l’apparition de bulles d’air dans la colonne d’eau. Ces adaptations permettent à l’arbre de maintenir une certaine ouverture des stomates mais elles se font au détriment de la croissance.
  • En éliminant les arbres les plus vulnérables au profit des plus résistants. Ce qui à long et très long terme permet aux nouvelles générations de développer des particularités (taille, forme, enracinement) adaptées à cet environnement plus sec. Cependant ces mécanismes sont à une échelle de temps qui risque de ne pas être compatible avec la vitesse d’évolution du climat et donc des sécheresses.

L’enjeu de la recherche

Face à l’amplification des phénomènes de sécheresse, l’ensemble de la communauté forestière et notamment les organismes de recherche-développement, se mobilisent pour comprendre plus en détail les interactions entre la forêt, le sol et l’eau. 

S’ajoute à cela l’impact des canicules, phénomènes de chaleurs extrêmes, qui sont de plus en plus courants. Le rôle de ces pics de chaleur dans certains dépérissements est assez mal connu et concentre l’attention actuelle des chercheurs.

Trouver des réponses pour maintenir une forêt résiliente est une priorité absolue. C’est ce à quoi s’emploie l’ONF à travers sa "stratégie changement climatique" au sein du département RDI, avec les "correspondants changements climatiques" au sein des directions territoriales, et avec toutes ses équipes déployées sur le territoire.

La photosynthèse

La photosynthèse est un processus spécifique au végétaux (plantes ou algues) qui leur permet de constituer des réserves, tout d’abord sous forme de sucre (qui constituent ses réserves) puis sous forme de bois. Pour que ce mécanisme puisse s’opérer, il est nécessaire que l’arbre bénéfice de lumière qui apporte l’énergie pour transformer l’eau et le CO2 en oxygène et sucre.

Cette réaction qui s’effectue dans les cellules des feuilles a l’énorme avantage de nous apporter l’oxygène nécessaire à la respiration et donc à la vie tout en absorbant du CO2, ce qui contribue à limiter l’effet de serre et les changements climatiques.