La forêt de Chizé, un sanctuaire pour les serpents

Voici un des derniers refuges pour les serpents dans le sud des Deux-Sèvres : la forêt de Chizé. Un suivi par les scientifiques du Centre d'études biologiques de Chizé (CNRS) depuis plus de 25 ans permet de démontrer le lien très fort entre les serpents et leur habitat. Ces inventaires réalisés sur le long terme, avec plus de 10 000 observations, offrent une vision quasiment unique en France sur 4 espèces de serpents. Xavier Bonnet, du Centre d'études biologiques de Chizé, nous explique tout.

La forêt de Chizé est située dans une région où le bocage a été largement détruit. De grandes plaines agricoles, monotones et dépourvues d’abri, ont remplacé un réseau dense de haies et de talus. Le développement urbain s’accompagne d’une minéralisation des sols, aussi bien dans les espaces privés que publics.

Les suivis menés depuis plus de 25 ans dans le sud des Deux-Sèvres montrent que les populations de serpents, privées d’habitat favorable, ont fortement diminué, voire totalement disparu. La forêt de Chizé constitue donc une exception, les serpents s’y maintiennent.

Vipère Aspic - La forêt de Chizé reste un sanctuaire très précieux pour les reptiles. - ©HP Savier/DR.

Les serpents sont fidèles à un domaine vital assez restreint. Par exemple, la quasi-totalité des serpents marqués dans l’enclave de Paitout y restent toute leur vie, de même pour ceux vivants dans des parcelles fermées et peuplées de grands arbres.

Comment le sait-on ? Les suivis par capture-marquage-recapture des quatre espèces présentes (couleuvre d’Esculape, couleuvre verte et jaune, couleuvre à collier et vipère aspic) ont permis d’identifier des milliers d’individus puis de collecter plus de 10 000 observations. La condition corporelle, la fécondité, la survie annuelle, la croissance et le succès alimentaire, sont mesurés chaque année.

Les suivis réalisés dans la forêt de Chizé offrent aussi une précision spatiale et temporelle unique pour examiner les liens entre l’évolution de la forêt, celle des micro-habitats, et en cascade, l’impact sur les populations animales. Par exemple, les résultats montrent que si la tempête de 1999 a favorisé certaines espèces en ouvrant la forêt (comme le ferait l’exploitation pour le bois), la fermeture des milieux liée à l’arrêt des travaux d’exploitation et de sylviculture pose de sérieux problèmes à la plupart des reptiles forestiers en éliminant les broussailles et les possibilités de thermorégulation (par exposition au soleil).

Un cas d’école pour l’étude des espèces sédentaires

La forêt de Chizé reste un sanctuaire très précieux pour les serpents. D’une part parce que la réserve de la Sylve d’Argenson est hétérogène, mais aussi parce que l’exploitation forestière en dehors de la réserve crée des milieux ouverts. Les effets du changement climatique sur les serpents de la région sont négligeables sur un quart de siècle. Les effets de la destruction des milieux complexes (remembrement, destruction des talus) sont par contre catastrophiques.

Les suivis à long terme de communautés de serpents dans la réserve de la Sylve d’Argenson sont uniques, aussi bien à l’échelle régionale que nationale. Ils servent de support à de multiples activités : de formation continue pour les agents de l’ONF par exemple, pédagogiques avec des sorties "serpents" organisées par Zoodyssée, ou de vulgarisation scientifique (voir "Des bêtes et des sorcières", Arte 2019).

Au-delà de leur intérêt pour l’étude des amphibiens et des reptiles, les résultats issus de ces suivis peuvent servir de cas d’école pour d’autres espèces relativement sédentaires (invertébrés comme vertébrés) et d’autres sites.

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