Changement climatique : les forêts du sud sont-elles plus résilientes ?

Ces dernières années, les forêts françaises souffrent. Partout des arbres dépérissent, victimes du réchauffement climatique. Ce phénomène se concentre surtout sur le Grand Est, la Bourgogne-Franche-Comté, le nord des Alpes, la Normandie et la Picardie. Qu'en est-il des forêts du sud de la France ?
Entretien avec Jean-Baptiste Daubrée, responsable du Département de la santé des forêts (DSF) pour le Sud-Est (ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation).

Depuis plusieurs années, les sécheresses se multiplient partout en France. Comment cela se traduit dans le sud de la France ?

Durant l'été 2020, la sécheresse a été importante sur l’ensemble des deux régions Occitanie et Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur. Les forêts du massif central (Aveyron, Lozère) ont beaucoup souffert, ainsi que l’ouest océanique. Au niveau des essences, le chêne pubescent a été très touché par la sécheresse de juillet-août, notamment dans le Lot et l’Aveyron. Le hêtre est également dans une situation difficile dans tous les massifs.

Nous avons obtenu ces résultats grâce aux données récoltées sur le terrain par nos correspondants observateurs. Nous mesurons plusieurs choses : le pourcentage de déficit foliaire (estimation de la perte en feuillage des arbres, ndlr), le pourcentage de branches mortes et la présence éventuelle de bio-agresseurs (champignons ou insectes). Tous ces indicateurs nous renseignent sur l’état de stress des arbres.

©DSF

Dans ce contexte, peut-on parler de crise sanitaire ?

Non, on parle de crise sanitaire quand il y a une forte mortalité et que l’on est obligé de récolter les arbres avant qu’ils ne s’abiment ou qu’ils deviennent un danger pour le public. Dans la zone Sud-Est, ce n’est pas le cas. Le hêtre et le chêne pubescent ont souffert cet été mais il n’y a pas eu de mortalités importantes. Ces arbres devraient retrouver leurs feuilles au printemps prochain.

Quand un arbre est soumis à une forte sécheresse il perd d’abord ses feuilles. Si le phénomène se poursuit sur le long terme, ce sont les branches qui meurent.

Jean-Baptiste Daubrée, responsable du DSF pour le Sud-Est.

En revanche, nous enregistrons des dépérissements très marqués sur certains secteurs : en Lozère pour l’épicéa, dans les Alpes de basse altitude pour certaines sapinières et en Ariège pour le frêne. Ces phénomènes graves conduisent parfois à des mortalités, mais pour le moment il n'y a pas de facteur qui déclencherait une crise sanitaire. 

Rougissement de hêtres sur le Ventoux. - ©ONF

Sur le long terme, la forêt méditerranéenne à pin d'Alep et à chêne vert sera-t-elle plus adaptée au changement climatique ?

La forêt méditerranéenne a bien résisté à l’été 2020, notamment grâce aux pluies de juin mais aussi car elle est accoutumée à la chaleur et aux sècheresses. Le chêne vert et le pin d’Alep sont capables de supporter trois mois de sècheresse. Cependant, au-delà de cinq mois c’est nettement plus difficile.

La forêt méditerranéenne a connu des périodes de sècheresse très longues dans les années 1990 et de 2003 à 2005. Beaucoup d’arbres, les plus fragiles, ont dépérit mais la forêt se maintient grâce aux essences et aux arbres les plus résistants.

Jean-Baptiste Daubrée, responsable du DSF pour le Sud-Est.

Avec le changement climatique, nous observons d’une part une augmentation des températures en été avec des records de chaleur qui peuvent griller les feuilles et, d’autre part, des hivers de plus en plus doux. Les arbres ne se mettent plus au repos et sont plus sensibles aux coups de froid. En conséquence, des pathogènes en profitent pour se développer et les affaiblissent pour les prochaines saisons de sécheresse à venir.

Le département santé des forêts du Sud-Est

Le Département santé des forêts (DSF) a été créé en 1989 à la suite à des dépérissements rencontrés sur des chênes en forêt de Tronçais et sur des dépérissements de résineux dues à des pluies acides. Le DSF dispose d’un dispositif de surveillance, de diagnostic et de conseil phytosanitaire pour les forêts françaises. Il s’appuie sur un réseau de plus de 200 forestiers de terrain, appelés correspondants-observateurs ("CO"), travaillant dans différents organismes (ONF, CNPF ou services déconcentrés du MAAP). Formés aux problèmes de santé des forêts, ces "CO" sont la référence locale pour des propriétaires et des gestionnaires s’interrogeant sur la santé de leurs forêts.

Le DSF du Sud-Est comprend 54 correspondants-observateurs au niveau de l’inter région Sud-Est, dont certains font partie de l’ONF et d’autres de la forêt privée. Leurs analyses se basent sur deux grands axes : par les signalements effectués par les "CO" du réseau (répartis dans les 3 régions Corse, Sud-PACA et Occitanie) et par les observations faites sur les 178 placettes permanentes, réparties sur les 3 régions depuis les années 1990.

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