Guyane : une nouvelle espèce de champignon découverte par l'ONF

Début 2020, les forestiers naturalistes du réseau mycologie de l'Office national des forêts (ONF) ont découvert une nouvelle espèce pour la science en Guyane, baptisée Hydnocristella delavalii. Cette découverte démontre tout le savoir-faire scientifique de ces experts au niveau international.

On connaît seulement 1 à 5% de la diversité des champignons dans le monde. Début 2020, Gérald Gruhn, animateur du réseau mycologie à l'ONF et expert national reconnu par le ministère de l'Agriculture, a apporté sa pierre à la connaissance scientifique en publiant un article dans lequel il décrit une nouvelle espèce pour la science : Hydnocristella delavalii.

Ce champignon présente une couleur brunâtre. Hydnocristella delavalii vit sur le bois mort dans la réserve naturelle des Nouragues en Guyane. "Cette zone, située en plein dans la jungle tropicale, est gérée par le Centre national de recherche scientifique (CNRS). Plusieurs explorations ont été nécessaires entre 2012 et décembre 2018. Nous avons récupéré sur place une centaine d'échantillons, dont ce champignon que j'ai ramené en France pour analyses", précise Gérald Gruhn. Au microscope, ses spores sont très originales : elles ont la forme de quilles.

Hydnocristella delavalii dans toute sa splendeur et en images

A quoi ça sert de découvrir une nouvelle espèce ? Tout d'abord, à élargir les connaissances scientifiques en la matière. Les champignons restent un domaine méconnu. "Il est très difficile de les récolter. Ils poussent de manière fugace et extrêmement diverse, surtout en zone tropicale", explique Gérald Gruhn. Pour une espèce de plante vasculaire, on compterait 17 espèces de champignons.

Hydnocristelle delavalii, comme d'autres champignons, demeure essentielle pour les écosystèmes forestiers. "Sans eux, la planète n'aurait pas cet aspect qu'on lui connait", affirme Gérald Gruhn. En effet, l'immense majorité des plantes vivent en symbiose avec les champignons. Ces derniers fournissent eau et matières chimiques aux plantes et en retour elles leur procurent de la nourriture.

Sur l'ensemble des champignons récoltés dans cette zone tropicale, un tiers peuvent être nommés, un tiers ne peuvent pas être étudiés car trop jeunes, trop pollués, ou entremêlés avec d'autres espèces et un tiers sont des espèces nouvelles à décrire.

Gérald Gruhn, animateur du réseau mycologie à l'ONF

Sans pour autant avoir une application immédiate, cette découverte fournit de précieuses données aux gestionnaires forestiers. L'ONF réalise de grands efforts pour préserver le bois mort en forêt et pour comprendre la fonge (l'ensemble des champignons). L'enjeu est fondamental : cette dernière décompose le bois mort en matière organique assimilée par les plantes. Cette découverte participe à un travail scientifique global d'inventaires et permet une meilleure connaissance de l'écosystème forestier tropical.

Reste à éclaircir encore beaucoup de choses sur ce champignon. "Pour l'instant, on sait que Hydnocristella delavalii pousse sur les arbres encore debout. Habituellement, ce genre d'espèce vit plutôt sur du bois mort au sol. Cette découverte est encore trop récente pour dire s'il s'agit d'un indicateur de biodiversité", tempère Gérald Gruhn.

Quelques chiffres sur les champignons :

Les autres découvertes et classifications du réseau mycologie

Les mycologues de l'ONF sont à l'origine de 14 noms nouveaux, dont 9 espèces nouvelles pour la science, selon la base de données en ligne internationale MycoBank, pilotée par le "Westerdjik Fungal Biodiversity Institute" à Utrecht (Pays-Bas) et le "Botanische Staatssammlung München" (Allemagne). Voici leurs noms, les auteurs de la découverte et de la classification et les années de publication : 

  • Simocybe geraniolens, (Clowez & E. Díaz) P.A. Moreau & Courtec., 2008.
  • Repetobasidium duhemii, G. Gruhn, Hallenb. & Courtec, 2015.
  • Tubulicrinis martinicensis, G. Gruhn, Hallenb. & Courtec, 2016.
  • Hypochnicium microsporum, G. Gruhn, H. Schimann & M. Roy, 2017.
  • Resinicium grandisporum, G. Gruhn, S. Dumez & E. Schimann, 2017.
  • Sistotrema macabouense, G. Gruhn, Hallenb. & Courtec, 2017.
  • Sistotremastrum aculeocrepitans, G. Gruhn & P. Alvarado, 2018.
  • Sistotremastrum fibrillosum, G. Gruhn & P. Alvarado, 2018.
  • Skvortzovia furfuracea, (Bres.) G. Gruhn & Hallenb., 2018.
  • Skvortzovia georgica, (Parmasto) G. Gruhn & Hallenb., 2018.
  • Skvortzovia meridionalis, (Burds. & Nakasone) G. Gruhn & Hallenb, 2018.
  • Skvortzovia pinicola, (J. Erikss.) G. Gruhn & Hallenb, 2018.
  • Xylodon hyphodontinus, (Hjortstam & Ryvarden) Riebesehl, Yurchenko & G. Gruhn, 2019.
  • Hydnocristella delavalii, G. Gruhn & L. Ferry, 2020.

Une exigence scientifique, un travail d'équipe

Pour découvrir cette nouvelle espèce, le travail fut long et semé d’embûches : se plonger dans la bibliographie, analyser des centaines d'échantillons, étudier les herbiers pour comparer avec les champignons existants ou encore créer une clé de détermination. Ce dernier document permet, grâce à des questions simples, de classer les espèces. "Ce travail nécessite de faire appel à des partenaires externe et interne. A l'ONF par exemple, Lionel Ferry, le co-auteur de l'étude, m'a aidé à la rédaction de l'article", remercie Gérald Gruhn.

Les forestiers naturalistes ont un très haut niveau d’expertise scientifique. Ils sont ainsi l’interface entre l’ONF et les différents partenaires : associations (la LPO, le réseau mycologique de France, etc.), ministères… Cela permet de renforcer les liens entre les différents acteurs et de contribuer davantage à la préservation de la biodiversité

Régine Touffait, Secrétaire Générale Direction forêts et risques naturels (DFRN) à l’ONF

Les réseaux naturalistes de l'ONF

Crées en 2004, les réseaux naturalistes de l'ONF ont pour objectif de renforcer les connaissances sur les forêts. Ils sont répartis en six spécialités pour couvrir l’ensemble de la biodiversité forestière : herpétofaune, avifaune, entomologie, habitat-flore, mammifères et mycologie. Ils s’intéressent aussi bien aux espèces en danger qu’aux espèces communes et jouent un rôle de conseiller auprès des gestionnaires forestiers.

Le réseau mycologie n'est pas le seul à avoir fait des découvertes. En 2019, le réseau entomologie, qui étudie les insectes, a décrit deux espèces nouvelles et 9 autres inconnues en France. Ces découvertes sont le fruit du professionnalisme des forestiers naturalistes, qui ont un niveau de reconnaissance international.

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