Dans le Grand Colombier, un inventaire inédit des micromammifères

Un inventaire inédit des micromammifères a été réalisé en forêt domaniale d’Arvière dans l’Ain, avec plus de 150 pièges dortoirs relevés quotidiennement. En disséminant et consommant les graines des arbres, les micrommamifères jouent un rôle essentiel dans le renouvellement des forêts. Mieux les connaître, c’est mieux comprendre le fonctionnement de la forêt !

La réserve biologique intégrale de la Griffe au Diable, en forêt domaniale d’Arvière (Ain) regorge de ressources, plus ou moins visibles à l’œil du promeneur. Pour mieux connaître la diversité des petits mammifères qui composent cet environnement, le réseau naturaliste mammifère de l’ONF s’est associé à différents acteurs : l’Agence travaux de l’ONF, Fabrice Darinot de la réserve naturelle nationale du Marais de Lavours et membre de la SFEPM (Société française pour l’étude et la protection des mammifères), Eric Mermin de l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) de Grenoble, et différents forestiers et ouvriers de l’ONF.

Les techniciens et les ouvriers de l’ONF à l’œuvre pour relever les pièges et désinstaller le dispositif. - ©Fabrice Gallet / ONF

Après une première phase d’études réalisées au printemps, un inventaire des micromammifères présents dans la forêt d’Arvière a été réalisé. Des placettes ont été identifiées de façon aléatoire selon un maillage. Après avoir procédé à l’inventaire de tous les arbres, 158 pièges ont été installés et relevés tous les matins pendant une semaine. Les individus capturés, puis identifiés (espèce, sexe, âge, état sexuel), ont ensuite été mesurés puis relâchés. 

« Au cours de la semaine d’inventaire des micromammifères et au fur et à mesure du relevé des pièges-dortoir, nous nous sommes rendu compte que les résultats étaient différents entre les deux placettes », remarque Thomas Benoit, technicien forestier d’Arvière en Valromey. « Dans la parcelle en sylviculture, le mulot sylvestre était plus abondant que le campagnol roussâtre, alors que l’on observait l’inverse dans la réserve biologique. Apparemment, ce mulot a tendance à prendre le dessus sur les autres espèces dans les milieux plus ouverts. Les coupes régulières des parcelles en gestion semblent déjà influer sur la composition des micromammifères, à suivre… », annonce-t-il.

Un tableau commun mais intéressant

Plus de 50 individus appartenant à 4 espèces différentes ont pu être observés : campagnol roussâtre, mulot sylvestre, mulot à collier et musaraigne couronnée. Les espèces relevées sont relativement communes, mais leur nombre se révèle plus élevé par rapport aux autres inventaires réalisés en France cette année. C’est le cas notamment du campagnol roussâtre et du mulot sylvestre à certains endroits.

Pour comprendre les causes de l’évolution de l’abondance des rongeurs sur ce site et ainsi avoir une vision plus globale, un inventaire des fructifications des arbres a été effectué.

La question de la présence et du nombre de certains prédateurs de ces micromammifères se pose également. Dix pièges photos ont donc été installés pour mieux évaluer cette population.

Et après ?

Ces différents inventaires seront réalisés tous les ans. Ils seront un outil très utile pour la compréhension de cet environnement. Ces recensements participeront à un réseau d’études mis en place dans toute la France et permettront de mesurer l’évolution des trois facteurs : fructification des arbres, abondance des micromammifères et présence des prédateurs.

Les informations recueillies pourront être comparées d’un site à l’autre et permettront de comprendre l’interaction des trois facteurs étudiés. Ces données pourront aussi être mises en parallèle avec celles concernant les changements climatiques.

Pour en savoir plus sur le "masting"

Les petits mammifères jouent un rôle évident dans le fonctionnement de l’écosystème. On les connait pour leur capacité à disperser les graines, mais aussi pour les consommer (cas des rongeurs). Le bon fonctionnement de la forêt, et surtout sa capacité à se régénérer repose sur un équilibre installé depuis longtemps, permettant de réguler les apports de graines dans le milieu, et contrôler ainsi les populations de rongeurs.

"Ce phénomène s’appelle le ʺmastingʺ, et répond à des années de production importante de graines, alors que les populations de rongeurs sont encore faibles. Si ces derniers profitent alors de la situation et peuvent alors se reproduire autant que possible, nombre de graines arrivent à germer et à produire des jeunes semis pour assurer le renouvellement du peuplement. Les années suivantes, alors que les populations de rongeurs sont très élevées, les arbres ne produisent plus de graines, faisant chuter les effectifs de ces petits mammifères" explique Sébastien Laguet (réseau mammifère de l'ONF).