Quelle est l'influence de l'hiver sur l'arbre ?

L'hiver est là ! Les arbres ont, pour certains, perdus leurs feuilles, et le calme s'empare de la forêt. On peut alors se demander ce qu'ils font durant la saison hivernale. Eh bien, comme pour beaucoup d'animaux, ils dorment… mais seulement à moitié. L'Office National des Forêts (ONF) vous explique tout !

Avant d'affronter l'hiver, l'arbre prend ses dispositions afin de se préparer à accueillir les températures froides et le gel. Pour protéger ses bourgeons, il entre dans une période nommée la "paradormance" : lors de cette phase, l'arbre va ralentir sa croissance et se mettre en veille. Il va même jusqu’à former des écailles là où naîtront les futures pousses feuillées : ainsi, elles pourront éclore sans crainte lorsque les beaux jours reviendront.

Cette phase de paradormance dure généralement jusqu'à la fin du mois d'octobre. Ensuite, l'arbre entre dans la phase suivante, nommée "dormance". Lors de cette phase, il n'y a plus de croissance du tout. Bien qu'il arrête sa croissance, les mécanismes naturels de l'arbre ne s'arrêtent pas complètement, bien au contraire !

C'est au tour des mécanismes de protection contre le gel de s'enclencher, et ce partout dans la plante : bourgeons, rameaux, tronc et racines. Ils sont influencés par les températures du sol et de l’air et par leurs fluctuations au cours d’une journée d’hiver (souvent négatives le matin mais pouvant atteindre jusqu'à 15°C l’après-midi).

Givre dans les aiguilles d'un pin à crochets du mont Mézenc (Auvergne-Rhône-Alpes). - ©Anthony Rispal/ONF

De ses racines jusqu'aux tissus conducteurs de son tronc et de ses branches, l'arbre travaille pour maintenir les mécanismes biologiques nécessaires à sa survie : la respiration des cellules, la pousse des racines et même, chez ceux qui ont la chance de garder leurs feuilles (pins, sapins, chênes verts...), la photosynthèse ainsi que la transpiration. Le faible ensoleillement et les faibles températures ralentissent tous ces mécanismes, qui demeurent présents durant l'hiver, invisibles mais indispensables.

En plus des mécanismes de protection à proprement parlé, les arbres mettent également en place des processus de réparation : complémentaires aux premiers, ils sont là pour empêcher la formation de bulles d’air lors des cycles de gel-dégel dans les vaisseaux chargés de transporter la sève brute, des racines jusqu’au sommet de l’arbre, et ainsi permettre la remontée de la sève au printemps.

Au premier plan : une régénération de hêtres. - ©Anthony Rispal/ONF

Contre le gel hivernal, trois phases clés :

Il existe trois phases distinctes dans le mécanisme de protection de l'arbre contre le gel :

  • Le phénomène de dormance qui limite le gel des jeunes tissus fragiles issus de la croissance en stoppant celle-ci ou en la limitant fortement ;
  • Le phénomène de l’endurcissement, qui augmente la tolérance au froid des cellules et des tissus de l’arbre ;
  • Les mécanismes de réparation et de production des vaisseaux transporteurs de sève brute, endommagés par une embolie hivernale.

De la cime aux racines, l'adaptation de l'arbre

Mais que se passe-t-il dans les différentes parties d'un arbre pendant l'hiver ? Contrairement à la partie aérienne, les racines des arbres ne semblent pas passer par une période de dormance hivernale par exemple. Dès la chute des feuilles, les réserves d’amidon stockées pendant l’été dans le bois et l’écorce sont progressivement transformées en sucres solubles, qui ont une fonction d’antigel. Ainsi, durant les mois de janvier et février, l’arbre résiste le mieux au gel.

Si un gel précoce apparaît, le tronc de l’arbre insuffisamment endurci peut alors présenter des nécroses. Il peut d'ailleurs présenter une plus grande sensibilité au gel si l’arbre a subi des stress pendant l’été précédent, notamment des sécheresses ou des attaques de parasites, et que sa croissance a été affectée avec des réserves amoindries.

Forestier inspectant un pin à crochets. - ©John Bersi

Pour ce qui est de la partie aérienne, durant l’hiver, les bourgeons n’évoluent plus et sont, quant à eux, à l’état de dormance jusqu’au retour de jours plus longs (et de conditions météorologiques plus clémentes), mais certaines essences commencent à fleurir à la fin de l’hiver. C’est le cas des aulnes, des bouleaux, des noisetiers et des saules.

Les feuillages des chênes et des hêtres sont souvent glacés par les premières fortes gelées. La plupart des feuilles des arbres au feuillage caduc sont tombées sur le sol, bien que certaines essences conservent leurs feuilles mortes sur les branches jusqu’à la repousse des nouvelles, au printemps. Par exemple, c'est le cas des charmilles, souvent utilisées en haies dans les jardins, et des chênes. 

Les conifères, quant à eux, doivent être protégés des vents desséchants durant l’hiver : ils ont besoin d’eau tout l’hiver car ils n’entrent pas en repos végétatif pendant la mauvaise saison.

En définitive, chaque arbre, quelle que soit son essence, s'adapte et se protège du froid hivernal grâce aux ressources naturelles et aux mécanismes qu'il déploie. Un peu comme la faune, il attend patiemment que l'hiver passe et que les beaux jours reviennent !

Au cours de l’hiver, les arbres mettent en place quatre actions pour se protéger :

Stopper leur croissance
Les plantes sont des organismes dont la température varie avec celle de leur environnement. Contre la rigueur de l’hiver, les arbres développent des stratégies de survie.
La première consiste à entrer graduellement dans la phase de dormance, encouragée par les températures de plus en plus fraîches, voire froides, en interrompant la division de leurs cellules. Celles-ci se trouvent alors dans l’incapacité d’utiliser les nutriments et autres hormones de croissance amenés par les racines via la sève car certaines molécules indispensables à leur fonctionnement sont alors inhibées par les températures.
L’hiver venu, les arbres, qu’ils soient à feuilles caduques (ceux qui perdent leurs feuilles) ou persistantes, cessent toute activité de croissance.
Fabriquer de l'antigel
Pour faire face aux deux mois les plus froids de l’année (janvier et février en France), les arbres s’endurcissent en développant des processus de résistance au froid et au gel. Ceux-ci se mettent en place dès l’automne avec la chute progressive des températures et permettent aux arbres d’abaisser graduellement le point de congélation de leurs cellules afin qu’elles n’éclatent pas sous l’effet du gel, même à des températures très basses.
Dès que la température passe sous les 5°C, l’arbre synthétise des enzymes qui vont dégrader l’amidon fabriqué par photosynthèse et mis en réserve à la belle saison dans l’écorce et le bois. Dès que la température grimpe au-dessus de 5°C, même en hiver, l’amidon se reconstitue car les protéines antigel fusionnent entre elles pour le reformer.
Puis, quand la température rechute en soirée, il est de nouveau hydrolysé, et ainsi de suite.
Si le noyer peut résister à -20°C maximum, les aiguilles du pin Pinus sylvestris peuvent encore survivre par -80°C !
Réparer les dommages causés
Dès la fin du mois de février, l’arbre se prépare à l’arrivée des beaux jours. Là, sous l’écorce, débute un processus de réparation des vaisseaux, voire de production de nouveaux vaisseaux transporteurs de sève brute. Pour réparer les dommages causés durant la saison hivernale, la plante fait un appel d’eau et de sucres dans les vaisseaux, qui génère une pression : cette pression va alors chasser les bulles d’air qui s'étaient formées dans ces vaisseaux. Ainsi, la sève pourra circuler librement au printemps.
Préparer l'arrivée des beaux jours
Dès le mois de janvier et jusqu’à fin février, parfois même jusqu’en mars, la croissance des arbres est relancée au niveau de leurs bourgeons. Elle est alors si lente qu’elle reste invisible.
Paradoxalement, c’est le froid qui va lever cette phase de dormance. Pour sortir de sa léthargie, l’arbre doit avoir cumulé les heures froides avec des températures inférieures à 7°C durant trois à quatre semaines. Dès que son quota est atteint (souvent fin décembre), il entre alors dans une phase de croissance, limitée par les conditions environnementales : c’est « l’écodormance ». Cette dernière se prolonge tant que l’arbre n’a pas cumulé, cette fois, suffisamment d’heures chaudes, supérieures à 7°C. Elle se joue essentiellement au niveau cellulaire, la sève ne circulant pas encore dans l’arbre. Dans les tissus du bourgeon, la multiplication des cellules indifférenciées a repris. Elles se divisent, grandissent, se différencient et assurent imperceptiblement la croissance du bourgeon.

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