Sécheresse : les sapins du Grand Est rougissent

Les forêts françaises subissent aujourd'hui les répercussions des sécheresses de 2018. Malgré des mécanismes naturels pour se défendre face au manque d'eau, les arbres s'affaiblissent et dépérissent. C'est le cas dans le Grand Est, où la situation est particulièrement préoccupante.

Les épisodes caniculaires actuels en témoignent : il fait de plus en plus chaud en France. Avec des températures en forte hausse et des précipitations qui se font rares, les forêts françaises sont mises à rude épreuve. S'il n'est pas toujours facile de se représenter les effets du changement climatique, en 2019, il suffit d'aller faire un tour dans les sapinières vosgiennes (Grand Est) pour constater les conséquences de la sécheresse. Le sapin pectiné, essence normalement adaptée au secteur, subit de plein fouet les effets de la sécheresse de 2018. Cette espèce, très exigente en humidité, n'a pas supporté le manque de pluviométrie de l'année passée.

Phénomène semblable lors de la sécheresse de 2003. - ©Erwin Ulrich / ONF

D'après le bilan climatique de Météo France de l'année 2018, "la pluviométrie a été déficitaire de 10 à 20% le long des frontières du Nord et du Nord-Est, voire localement 25 à 30 % en Alsace, Lorraine et Franche-Comté qui ont connu une sécheresse record au cours de l'automne". Ce déficit pluviométrique, calculé par rapport à une moyenne de référence entre 1981 et 2010,  impacte les couches superficielles du sol, là où les arbres puisent de l'eau. Ces derniers peuvent alors souffrir de ce que l'on appelle le "stress hydrique". Ce phénomène se produit lorsque le manque de précipitations se prolonge et que les réserves en eau du sol ne sont plus remplies qu'à 40% et moins. Arrivés à ce stade, les arbres ne peuvent plus s'adapter. Dans les massifs du Grand Est, le stress hydrique se caractérise par le rougissement des sapins. D'autres essences sont impactées, comme l'épicéa ou le hêtre, dans un périmètre plus large, de l'Auvergne-Rhône-Alpes aux Hauts-de-France, en passant par l'Île-de-France.

"Au cours d'une vie de plusieurs dizaines ou centaines d'années, les arbres connaissent des milieux et des conditions climatiques différentes. Ils ont normalement la capacité de s'adapter. Ce qui change aujourd'hui, c'est la rapidité du réchauffement climatique. Cela va à une telle vitesse que nous n'avons pas la certitude que les arbres s'adaptent"

Brigitte Musch, responsable du conservatoire génétique des arbres forestiers à l'ONF.

Pour préserver au mieux les forêts touchées par la sécheresse et pour conserver la qualité du bois, les forestiers sont contraints d'exploiter prématurément ces arbres dépérissants. "Nous sommes en train de prélever l'équivalent de deux années de récolte à cause des dépérissements", témoigne Michel Farny, technicien forestier territorial en forêt de Masevaux (Haut-Rhin). Les volumes de sapins concernés sur la totalité du massif vosgien sont estimés à 311 000 m3 en moyenne, pour une récolte annuelle de l’ordre de 525 000 m3, soit près de 60%. Ces dépérissements ont aussi un impact sur la valeur commerciale des bois, dont la valeur baisse.

Le sapin Bornmuller... Une solution à l'étude

Pour adapter les forêts aux conditions climatiques changeantes, l'ONF dispose de moyens scientifiques. Dans le Grand Est, un groupe opérationnel piloté par l'ONF, en partenariat avec la délégation régionale du Centre nationale de la propriété forestière (CNPF) et les communes forestières, entend tester des essences distinctes de celles qui sont actuellement gérées dans les forêts de la région. Cette expérimentation vise à détecter les espèces susceptibles d'opposer une plus forte résistance et une meilleure résilience au changement climatique.

Parmi les essences susceptibles d'être testées dans ce projet : le sapin Bornmuller. Cette espèce relativement proche du sapin pectiné présente une bonne résistance à la sécheresse en se satisfaisant de 30 mm d'eau par mois en été. "Nous avons sélectionné cette essence originaire de Turquie en anticipation des températures et du niveau de pluviométrie que pourrait connaître le territoire du Grand Est à l'avenir", justifie Hubert Schmuck, l'un des deux référents techniques de cette expérimentation. Les observations s'appuieront sur un réseau d'une centaine de sites composés de deux hectares chacun, répartis sur l'ensembles du territoire. 

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