Le risque de feux de forêt s'étend partout en France

Chaque été, partout dans le monde, des incendies dévastateurs ravagent les forêts. Quel est l’état des lieux de la situation en France ? Quel lien peut-on faire entre changements climatiques et incendies ? Interview.
Entretien avec Jean-Louis Pestour, directeur d'agence DFCI et responsable national incendies de forêts à l'ONF.

Avec la menace du changement climatique, les forêts sont-elles davantage exposées aux incendies qu’auparavant ?

Le climat n’est pas une cause directe d’incendie, mais il influe sur les conditions d’éclosion et de propagation des incendies. En France, la foudre est l’unique cause naturelle de départ de feu et elle concerne en moyenne moins de 10% des départs. Cela signifie que 90% des incendies sont d’origine humaine.

Parmi les feux dont l'origine est connue, environ un tiers des incendies est volontaire, un autre tiers est causé par des accidents (équipements publics défaillants, voiture en feu le long d’une route, etc), et le dernier tiers provient de négligences (jet de mégot, barbecue, travaux générant des étincelles, etc).

Le changement climatique, qui s’accélère à un rythme sans précédent, peut avoir une influence sur la surface et l’intensité du feu qui dépendent des réserves en eau du sol, de l’état de sécheresse de la végétation, de l’hygrométrie de l’air (taux d’humidité), de la température et du vent. Avec les phénomènes de sécheresse de plus en plus fréquents et plus intenses, notamment en été, les risques d’incendies et de propagation de feu s’intensifient.

Y-a-t-il des forêts plus vulnérables que d’autres ?

Ce n’est pas un problème d’essence forestière, c’est un problème de couple espèce/climat, car aujourd’hui quasiment tous les peuplements forestiers sont adaptés au climat des zones où ils sont implantés, même si les choses sont en train d’évoluer avec la rapidité du changement climatique. 

Par exemple, le pin sylvestre, qui est une essence répandue partout en France, est sensible aux incendies dans l’arrière-pays de la Méditerranée car il peut y fait très sec, mais il brûle peu sur le reste du territoire national. Mais si un jour le climat devient très sec dans les Vosges, le pin deviendra probablement aussi sensible aux incendies, au moins dans un premier temps sur les sols les moins bien alimentés en eau.

Cette vulnérabilité grandissante interroge-t-elle le choix des essences aujourd’hui implantées ?

Les forestiers observent attentivement la façon dont les arbres réagissent à l’évolution du climat et testent d’ores et déjà avec les chercheurs des essences susceptibles de s’adapter aux conditions futures en un lieu donné. Dans le sud de la France qui devrait devenir encore plus sec et chaud au moins en été, nous cherchons à éviter une régression des formations forestières et un risque de désertification, et dans le nord, les forestiers font en sorte de sélectionner et de favoriser des essences productives résilientes.

Toute la complexité de la gestion forestière actuelle consiste à faire des paris sur l’avenir en prenant en compte un environnement incertain et évoluant plus rapidement que le temps long forestier. Ce dont on est sûr en Méditerranée, c’est que le climat sera encore plus sec et donc que le territoire sera plus souvent parcouru par le feu. D’où le fait que les forestiers et leurs partenaires réfléchissent à l’introduction de nouvelles essences plus résilientes à ces conditions climatiques arides.

Une partie des équipes de l'ONF DFCI Hérault-Gard-Lozère. - ©Teva Bourdin / ONF

Au-delà de la zone méditerranéenne, le changement climatique et les phénomènes accrus de sécheresse viennent bouleverser et augmenter les risques d’incendies dans d’autres départements français...

Oui, c'est certain : le risque incendie s'étend partout en France, y compris plus au nord et vers l'ouest. Aujourd’hui encore, la majorité des surfaces détruites par les feux de forêt sont localisées dans le grand Sud. Les scénarios d’évolution climatiques du GIEC évoquaient une tendance à l’extension du risque d’abord vers le Sud-Ouest, l’Ouest (Bretagne, Val de Loire, région parisienne), et la haute vallée du Rhône. Nous y sommes aujourd'hui et la répartition géographique des feux de l’été 2022 le confirme. Ces scénarios indiquent aussi que, vers la fin du siècle, quasiment tout le territoire national sera fortement exposé aux feux de forêt. 

Selon les forestiers, des zones situées dans le quart nord-est pourraient aussi devenir à risque. C’est le cas des forêts touchées par les scolytes. Aidé par le changement climatique, cet insecte ravageur de l'épicéa pullule notamment dans la région Grand Est et assèche les arbres sur pieds. Dans ces forêts scolytées riches en bois secs, en branches et en aiguilles rougissantes au sol, les feux pourraient notamment s’avérer intenses.

Mais le changement climatique ne sera pas une affaire linéaire. Ce que les météorologues nous indiquent, c’est que ce phénomène va se caractériser par une succession d’années  "normales" et d’années "extrêmes", avec des pics de sécheresse et de chaleur. L’expérience montre que l’impact de ces années extrêmes est très fort sur les peuplements forestiers qui sont affaiblis et dépérissent, accentuant de ce fait leur sensibilité aux incendies.

Aujourd'hui, les interventions sont principalement localisées dans le quart sud-est de la France. La DFCI est-elle aussi opérationnelle et mobilisée dans ces territoires situés plus au nord ? 

Dans l’ensemble des forêts publiques françaises, les forestiers de l’ONF intègrent le risque d’incendie dans leur décision d’aménagement, participent à des actions de sensibilisation du public pour obtenir une réduction du nombre d’incendie et intègrent à leurs missions de surveillance le danger d’incendie, en particulier lors d’épisodes de fortes sécheresses. 

La différence entre la Méditerranée et le reste du territoire, c’est qu’en région méditerranéenne, nous avons des commandes supplémentaires de l’Etat dans le cadre de la mission d’intérêt général DFCI, qui étendent nos missions à l’ensemble des forêts (y compris privées, pas seulement les forêts publiques relevant du régime forestier). Lors de son déplacement en juillet 2022 en Gironde, le président de la République a annoncé une réflexion pour étendre ce dispositif opérationnel de prévention du Sud-Est aux autres territoires français.

Quelques chiffres clés :

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