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Restauration des ruisseaux de la Clauge : l’eau retrouve son chemin en forêt de Chaux

Au cœur de la forêt de Chaux, l’eau des ruisseaux intermittents se faisait de plus en plus discrète, drainée par des décennies d’aménagements. Mais depuis quelques années, l’ONF et ses partenaires œuvrent à restaurer les ruisseaux et les zones humides, essentiels au bon fonctionnement de la forêt. Une manière de redonner vie à tout un écosystème, face aux défis du changement climatique. Ces travaux ont d’ailleurs été récompensés en 2025 par le prix Solutions fondées sur la nature.

Avec ses 22 000 hectares, la forêt domaniale de Chaux, composée principalement de chênes, de hêtres et de charmes, est le deuxième plus grand massif feuillu de France. Située au cœur du Jura, en Bourgogne-Franche-Comté, elle est traversée par 460 kilomètres de cours d’eau, qui façonnent un écosystème riche mais fragile. Son sol, composé de cailloux siliceux, surmonté de couches d’argile et de limons, limite l’infiltration de l’eau, favorisant son écoulement en surface et l’alimentation de nombreux rus (petits ruisseaux) et zones humides. Entièrement dépendante des précipitations, la forêt est particulièrement sensible aux variations climatiques. Parmi les ruisseaux emblématiques du massif, la Clauge occupe une place centrale. Prenant sa source à l’est de la forêt, elle s’écoule sur 35 kilomètres, dont 70 % en zone forestière.

Quand les eaux s’éloignent de la forêt de Chaux

À partir de l’après-guerre, la gestion forestière prend un nouveau tournant. Pour reboiser rapidement et faciliter l’exploitation forestière, les cours d’eau sont recalibrés, les zones humides drainées et les écoulements accélérés. Entrepris entre 1948 et 1963, ces travaux, initiés en réponse à des besoins nécessaires à l’époque, ont profondément modifié l’équilibre naturel. Les sols des vallons sont moins humides, certaines zones se sont asséchées, et la biodiversité inféodée à ces milieux humides a fortement diminué. 

La Clauge avant les travaux - ©SAVIER Henri-Pierre / ONF

Ces travaux se sont traduits par l’assèchement d’une grande partie du linéaire de la Clauge. Nous avions 7 kilomètres qui étaient pérennes, ils sont maintenant à sec six mois par an, voire plus. Ce recul progressif des écoulements, souvent imperceptible, a profondément modifié les équilibres naturels, asséchant les sols des vallons, fragilisant les habitats, et rompant les liens essentiels entre l’eau, le sol et la forêt.

Michel Romanski, responsable de l’unité territoriale de la forêt de Chaux ONF

Ce recul de l’eau menace les espèces patrimoniales recensées dans le cadre du classement européen Natura 2000, et nécessite une réponse ambitieuse de restauration de la nature depuis le début des années 2000.

Redonner à l’eau sa dynamique naturelle

En Bourgogne-Franche-Comté, le changement climatique se manifeste par des sécheresses récurrentes, l’assèchement de cours d’eau comme la Clauge et une fragilisation accrue des massifs forestiers. Pour y faire face, l’ONF ajuste progressivement sa gestion et fait, depuis 20 ans, évoluer ses pratiques en s’appuyant sur les retours d’expérience du terrain.

L’eau, clé de la résilience forestière

Partout en France, la préservation des zones humides, qui abritent une riche biodiversité, est devenue une priorité. Longtemps asséchées pour faire place à l’agriculture ou une gestion sylvicole répondant aux besoins de l’époque, elles sont aujourd’hui considérées comme essentielles pour favoriser la résilience des forêts dans un contexte de changement climatique. Leur rôle est majeur : retenir l’eau, limiter les inondations et abriter de nombreuses espèces.

Pour retrouver les fonctions écologiques des zones humides, L’ONF et ses partenaires (l’Université de Franche-Comté, le Syndicat Mixte Doubs Loue, l’Agence de l’eau, etc) redonnent peu à peu aux ruisseaux leur tracé naturel. L’idée est de faire serpenter à nouveau l’eau, ralentir son écoulement et lui laisser le temps d’humidifier les sols. Concrètement cela consiste à redonner des courbes au tracé, à construire des barrages en bois et en matériaux terreux pris sur place, à réhausser légèrement le fond du lit et à revégétaliser les berges. Cette stratégie fondée sur le long terme, est essentielle pour préparer la forêt aux défis climatiques à venir.

Nous nous sommes inspiré des castors. Le bois est mélangé aux matériaux du sol (limons argileux et galets) extrait sur place, ce qui ralentit le courant, sans bloquer la circulation des espèces, et permet à la forêt de garder l’eau plus longtemps. En redonnant à l’eau sa liberté, on redonne vie à tout un écosystème.

François de Giorgi, maître de conférences à l’université de Franche-Comté

Dans la forêt de Chaux, cette démarche a été lancée dès 2006-2007 par l’ONF, l’Université de Franche-Comté et le CNRS, dans le cadre du programme européen LIFE, dédié à la protection de l’environnement. Elle est désormais conduite en co-maîtrise d’ouvrage par l’agence ONF du Jura et le Syndicat mixte Doubs-Loue. Ce projet illustre l’engagement des acteurs locaux à préserver ces milieux fragiles. L’Office national des forêts ajuste la gestion sylvicole en modifiant certains chemins et en aménageant des passages durables lorsque nécessaire, afin de protéger ces zones humides sensibles. Ce travail de restauration a été récompensé par le prix Solutions fondées sur la nature (label européen qui valorise des initiatives efficaces pour sauvegarder la biodiversité) et remis au syndicat mixte Doubs Loue. 

Info utile

Une cérémonie en forêt domaniale de Chaux le vendredi 20 juin à 14h30 est organisée par l’Office national des forêts et l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse.

Au programme :

  • Inauguration de la passerelle du Pont des Scouts
  • Remise du label national « Rivière en bon état » pour la Clauge
  • Attribution du prix national « Solutions fondées sur la nature » par l’Agence de l’eau

Les résultats et l'impact sur la biodiversité

Les résultats sont là : la restauration des zones humides et des cours d'eau recrée la biodiversité disparue, surtout pour les espèces aquatiques. En ralentissant l'écoulement de l'eau et en rétablissant les cycles naturels, ces travaux ont permis de prolonger la période où l'eau reste dans les cours d'eau. Les espèces peuvent ainsi terminer leur cycle biologique comme certains éphémères et cela offre plus de temps aux insectes aquatiques et autres espèces pour se développer et se reproduire. L’hydro-période de la Clauge amont et ses affluents intermittents est augmentée de 2 à 6 mois par an dont 3 à 12 semaines au printemps.

La réapparition d’insectes aquatiques est essentielle au fonctionnement des cours d’eau et à l’alimentation d’espèces comme les oiseaux, les amphibiens ou les chauves-souris. En attirant et en approvisionnant une faune variée, les zones humides contribuent à l’équilibre des écosystèmes forestiers. Cette richesse de biodiversité est le signe d’une forêt en bonne santé, plus apte à résister aux effets du changement climatique.

On utilise les macro-invertébrés aquatiques pour suivre les effets de la restauration, car ce sont de très bons indicateurs de la santé des zones humides. Une fois les travaux réalisés, l’allongement de la période d’humidité permet à l’éphémère par exemple de compléter son cycle de vie, ce qui favorise le retour de nombreuses espèces

Audrey Bolard, ingénieure hydrobiologiste

Grâce aux suivis réguliers effectués tous les ans dans le cadre des études, la présence, la reproduction et l’abondance de certains insectes aquatiques, considérés comme bio-indicateurs, témoignent aujourd’hui du retour d’un habitat favorable et confirment l’efficacité des interventions. Les travaux sont désormais achevés pour cette partie de la Clauge et ses affluents. Cependant, une étude de projet de restauration de la Tanche, affluent principal de la Clauge, est en cours pour des travaux en 2026.

Préserver cette biodiversité permet aussi de maintenir des services écologiques essentiels, comme la régulation des crues, la filtration et le stockage de l’eau. Cela contribue également au maintien d’activités humaines comme le tourisme ou les loisirs de pleine nature et rappelle que la forêt joue aussi un rôle d’accueil et de cadre de vie pour la population.

Le saviez-vous ?

La rivière de la Clauge fait partie des 6 rivières de Bourgogne-Franche-Comté labellisées « Rivières en bon état » en 2022 par l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse.

Ce label récompense la qualité de ses eaux grâce aux travaux de restauration menés par l’ONF. Il est attribué selon cinq critères, dont la biodiversité, la pollution et la gestion durable. Cette distinction, valable 3 ans, valorise les efforts locaux pour préserver la nature et l’eau, et sera bientôt signalée par des panneaux à proximité des rivières primées.

Zones humides : zoom sur la restauration de La Clauge

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